- PROCÈS DE MAJESTÉ
- PROCÈS DE MAJESTÉPROCÈS DE MAJESTÉLes Romains, peuple de juristes, aiment se retrancher derrière des mots, comme gravitas , auctoritas , dignitas , aeternitas , et, plus particulièrement, comme majestas . Quiconque attente à la majesté du peuple romain, c’est-à-dire s’oppose au pouvoir des magistrats ou n’admet pas l’inviolabilité des tribuns, quiconque aussi cherche à outrepasser ses droits civils, politiques ou militaires, est un criminel, puni de l’exil et surtout de l’interdiction de l’eau ou du feu. La majesté du peuple romain est sacrée, elle ne se divise pas.Diverses lois, sous la République, ont codifié ces crimes de lèse-majesté, et Sylla a aggravé la répression; il a réorganisé les tribunaux criminels présidés par les préteurs, devant lesquels étaient jugés ceux qui, par leurs actes ou même par leurs paroles, s’étaient rendus coupables de lèse-majesté. Un peu plus tard, César, puis Auguste, accentuant la personnalisation du régime, ont complété les lois de Sylla et ont étendu la notion de crime de lèse-majesté au refus du devoir religieux et à l’atteinte à la dignité du magistrat. On peut juger à quels abus de telles prescriptions pouvaient conduire. Des empereurs soupçonneux, cruels ou déments, comme Tibère, Caligula, Néron ou Domitien, pouvaient, sous le couvert d’un procès de majesté, confisquer les biens des opposants sénatoriaux, les éloigner ou les mettre à mort sous le moindre prétexte. Les lois de majesté étaient en effet volontairement vagues et prêtaient à de fort larges interprétations et à des manipulations diverses. Une simple offense à la statue de l’empereur suffisait à faire tomber un citoyen sous le coup d’une accusation de lèse-majesté. La peine de mort qui n’était pas prévue à l’origine est appliquée aux coupables qui sont brûlés vifs au milieu des réjouissances populaires et n’ont pas droit au deuil ni à la sépulture. Les chrétiens sont les principales victimes des procès de majesté. L’empereur, en effet, habité par le numen , la divinité, est une personne sacrée à laquelle tout citoyen doit rendre un culte, de même qu’il doit sacrifier aux dieux qui protègent l’action divine de l’empereur. Le refus des chrétiens de se conformer aux lois religieuses de l’Empire constitue donc un des plus graves crimes de lèse-majesté.Si quelques empereurs éclairés, comme Nerva et ses successeurs, interdirent les procès de majesté, ceux-ci furent remis en vigueur à la fin du IIe siècle et jusqu’au terme de l’Empire. Ils étaient nécessaires, parce qu’ils justifiaient le pouvoir théocratique de l’empereur qui incarnait l’éminente et providentielle dignité du peuple romain.
Encyclopédie Universelle. 2012.